Une reconstruction économique, écologique et solidaire

L’écologie n’est « pas une option », mais « une obligation » a reconnu notre gouvernement. La pandémie a fait également éclater au grand jour notre dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondialisées. Le plan de relance de la croissance française devrait donc être placé sous le signe de la transition écologique et énergétique : une « reconstruction économique, écologique et solidaire ».

Résultat de 6 mois de concertations, la Feuille de route de l’économie circulaire a été publiée le 23 avril 2018. Il s’agit d’un document de 46 pages énumérant 50 mesures que l’Etat s’engage à prendre en faveur de l’économie circulaire. Elle est composée de 4 parties : mieux produire, mieux consommer, mieux gérer les déchets et mobiliser les acteurs. Il s’agit en fait d’un outil, qui permet au Gouvernement d’établir un calendrier de mesures concrètes pour atteindre les grands objectifs suivants :

  • Réduire de 30% la consommation de ressources liées à la consommation française en 2030 par rapport à 2010,
  • Tendre vers le 100% plastiques recyclés en 2025,
  • Réduire de 50% les quantités de déchets mis en décharge en 2025 par rapport à 2010,
  • Économiser l’émission de 8 millions de tonnes de CO2 chaque année,
  • Créer jusqu’à 300 000 emplois dans l’économie circulaire.

L’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmé) a pris une part active à la construction de cette feuille de route en poussant le Gouvernement à voir plus loin et à faire bouger le curseur des exigences, afin d’imposer une vraie rupture dans le mode de consommation et de production des objets du quotidien qui doivent être plus durables et réparables.

Une mesure phare pour éclairer le choix des consommateurs : l’affichage de la durabilité

L’affichage obligatoire de la durabilité pour plusieurs catégories de produits à partir de 2020 : afficher de manière obligatoire à partir du 1er janvier 2020 pour les équipements électriques, électroniques une information simple sur leur réparabilité”.

Cette mesure constitue une étape bienvenue car elle permet de faire assumer au producteur la réparabilité faible ou forte de son bien, puis de responsabiliser le consommateur qui bénéficie d’une information claire et utile sur la réparabilité du bien qu’il achète. Ces effets ont deux conséquences : Une incitation au producteur à rendre son bien plus attractif et donc plus réparable, et au consommateur d’acheter les biens qui ont une réparabilité plus forte.

Le choix de parler d’un affichage du « degré de réparabilité » plutôt que de la « durée de vie » peut s’expliquer par la complexité à mesurer cette dernière. Plusieurs critères déterminent la réparabilité d’un produit : disponibilité des pièces détachées, des outils et notices disponibles, modularité, nombre de fixations, etc. Cependant, la priorité pour les consommateurs est avant tout de savoir si un produit pourra durer dans le temps sans tomber en panne. C’est pourquoi pour un affichage complet, il convient de prendre en compte également des critères de durabilité et de robustesse.

Des efforts très attendus pour rendre les pièces détachées plus disponibles

Aujourd’hui, seuls les fabricants qui proposent des pièces détachées sont contraints par l’obligation d’affichage : un fabricant qui ne propose pas de pièces détachées n’a en revanche aucune obligation de le signaler (loi n° 2014-344 et décret d’application du 9 décembre 2014).

La Feuille de route prévoit d’étendre l’obligation d’affichage de la durée de disponibilité des pièces détachées vis-à-vis des consommateurs à l’obligation d’afficher leur éventuelle non-disponibilité, et porter l’extension de cette mesure au niveau européen, y compris pour la vente en ligne.

L’écocontribution adaptée pour encourager les producteurs à l’éco-conception

Dans le cadre des filières de responsabilité élargie du producteur, les producteurs (et in fine les consommateurs) paient une contribution au traitement des déchets. En fonction du respect de certains critères environnementaux, cette écocontribution est plus ou moins importante. Ce mécanisme s’appelle l’éco-modulation : il vise à encourager les bonnes pratiques en récompensant des modes de production plus respectueux de l’environnement par un bonus, et à l’inverse en décourageant une production moins durable par un malus.

Publier les critères d’attribution des bonus-malus et les résultats permettrait d’informer les citoyens des efforts fournis ou non par les entreprises dans le sens de la durabilité. Cela donnerait la possibilité aux organisations compétentes d’établir des classements de marques, et ainsi de distinguer celles qui agissent pour allonger la durée de vie de leurs produits. Les marques seraient certainement sensibles à l’image que renverraient de tels classements.

Les gouvernements doivent s’assurer de l’application de la garantie légale

La moitié des distributeurs ne respectent pas leur obligation d’information de la garantie légale de conformité auprès du consommateur. L’Etat promet de renforcer les pouvoirs de sanction de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), organisme chargé de la protection des consommateurs, et créer une plateforme permettant de signaler les distributeurs qui refuseraient d’appliquer la garantie.

La priorité immédiate au niveau européen est de s’assurer que la durée de garantie légale de conformité ne soit pas harmonisée à 2 ans maximum dans tous les États membres. Il serait plus performant que les États membres demeurent libres d’aller au-delà de 2 ans de garantie.

La réparation, grande absente de la Feuille de route

Pour plus d’efficacité, l’association HOP invite l’Etat à prendre des mesures fiscales pour rendre la réparation plus attractive que l’achat d’un produit neuf :

  • Un crédit d’impôt,
  • Une TVA réduite sur les objets d’occasion, sur les services de réparation (cf. Suède) ou sur les produits garantis par le constructeur au moins 5 ans afin de pallier le manque à gagner pour l’industriel, selon des critères de garantie listés et réglementés.
  • La mise en place d’écochèques (pour la réparation, l’achat de produits de seconde main…)
  • L’interdiction aux fabricants de verrouiller la réparation et la rendre impossible pour les réparateurs indépendants.

Le deuxième axe est de favoriser une économie de la fonctionnalité où la valeur d’un bien réside dans son usage et non plus dans sa propriété (vélos en libre-service, pneus vendus au kilomètre plutôt qu’au volume, …). Cette économie a le potentiel d’encourager les fabricants à faire des efforts d’éco-conception. Responsables d’un service, voire de biens qui peuvent être loués, les fabricants ont tout intérêt à maximiser la durabilité des biens pour éviter de les remplacer.

L’obsolescence logicielle négligée par la Feuille de route

Plusieurs stratégies visent à raccourcir la durée de vie d’un logiciel : incompatibilité de format avec de nouveaux fichiers, durée limitée du support technique, …

Ces enjeux sont croissants à l’heure où les appareils sont de plus en plus interconnectés, voire interdépendants pour certains. L’association HOP demande ainsi la réversibilité des mises à jour (c’est-à-dire la possibilité de revenir à une version précédente, mieux supportée par un appareil par exemple), ainsi que la dissociation des mises à jour de confort et de sécurité pour limiter cette obsolescence.

Certains groupes en France ont déjà compris que le monde ne pouvait pas produire toujours plus de déchets. Entre l’obsolescence programmée sur des appareils en parfait état de forme et les mises à jour impossibles sur les téléphones mobiles et les ordinateurs, les montagnes de déchets finissent en grande partie dans les décharges de pays en voie de développement.

Même si certains lobbies industriels font tout pour que rien ne change, d’autres ont fait le pari inverse. C’est le cas de groupe français SEB, leader mondial du petit électroménager, qui est à la pointe de la lutte contre l’obsolescence programmée depuis une dizaine d’années.

Aujourd’hui, le groupe SEB peut annoncer fièrement que 97% de ses produits sont réparables (70% en 2012) avec des produits de plus en plus faciles à démonter et à remonter :

  • SEB stocke 5,7 millions de pièces de rechange sur 40.000 références).
  • Plus de 500 000 produits réparés chaque année en France.
  • 6500 réparateurs agréés dans le monde par le fabricant.

Du côté, services ou innovations technologiques, le groupe innove également :

  • Introduction de l’impression 3D pour les réparations.
  • Pour le produit phase « Le Companion » (robot connecté), le réparateur agréé vient chez le client chercher l’appareil et lui ramène deux semaines plus tard.
  • Location de certains appareils culinaires que l’on utilise peu. Ils sont nettoyés, vérifiés, réparés après chaque location.
  • Engagement avec WWF sur la réduction des gaz à effet de serre.
  • Association avec Envie (réseau de l’économie solidaire) pour la réparation et l‘intégration de matières recyclées (générateurs de vapeur pour fer à repasser dont le boîtier est conçu avec du plastique recyclé).