Le Kintsugi ou l’art de la résilience

L’art du Kintsugi ou Kintsukuroi (raccommodage à l’or) est une méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées. Cette technique ancestrale, découverte au XVème siècle au Japon, consiste à réparer un objet en soulignant ses lignes de failles avec de la véritable poudre d’or, au lieu de chercher à les masquer. Symboles de fragilité dans un premier temps, ces fêlures – renforcées par le métal précieux – deviennent alors des éléments indissociables de l’objet en question et l’objet devient paradoxalement plus résistant, plus beau et plus précieux.

La légende rapporte que le Shogun Ashikaga Yoshimasa (1435-1490) utilisait toujours son bol préféré lors de la cérémonie du thé. Un jour, malheureusement, il se brisa. Il l’envoya donc en Chine, d’où il provenait, pour le faire réparer. Il fut extrêmement déçu du résultat, il chargea donc ses artisans japonais de trouver une solution plus fonctionnelle, mais surtout plus esthétique : l’art du Kintsugi était né.

Pour le psychologue Tomás Navarro, il existe une analogie intime entre notre expérience et le Kintsukuroi. Tout au long de notre vie, nous devons affronter toutes sortes d’épreuves, comme des ruptures, des deuils, etc. Savoir les dépasser, c’est comme “ mettre de l’or sur nos fêlures, en prenant en compte notre passé, notre histoire, les accidents éventuels que nous avons pu connaître”.

L’un des ingrédients nécessaires pour user du Kintsukuroi dans notre vie est la résilience. Par définition, elle désigne “la capacité d’un corps, d’un organisme, d’une espèce, d’un système à surmonter une altération de son environnement”. Si nos expériences ne nous définissent pas, elles influencent notre personnalité et nos choix.

Lorsqu’une expérience nous abîme, nous pouvons décider de nous cacher ou nous pouvons décider d’embrasser ces expériences qui nous ont façonnés de façon modeste. Le fait de surmonter cet “accroc” représente notre résilience.

S’il semble que chaque être humain soit capable de faire preuve de résilience, quel que soit le traumatisme qu’il ait connu, le Kintsukuroi prodigue deux conseils indispensables pour surmonter les fêlures de la vie : “n’attendez pas de toucher le fond” et “ne restez pas figé dans la douleur”.

Tomás Navarro décrypte le concept même de Kintsukuroi et liste les différentes étapes nécessaires pour réparer nos blessures émotionnelles :

  • Recoller les morceaux : Quand on subit une blessure émotionnelle, il est nécessaire de recoller rapidement les morceaux. Si on attend, on risque de les abimer ou d’en perdre un nécessaire à votre reconstruction.
  • Analyser la situation : Il faut se forcer à faire un pas de côté pour mettre en perspective la situation, trouver son Ikigaï (point d’équilibre entre nos envies et nos émotions) et tenter de tirer les leçons de ce qui nous a fait du mal en regardant la réalité sans filtre.
  • Reconstruire ce qui est détruit : Il y a une différence entre réparer et reconstruire. Si la réparation est une sorte de rafistolage – physique ou émotionnel – la reconstruction, demande du temps et un travail au niveau des fondations. On doit se consacrer sur ce que l’on aime et non sur ce qui nous a fait du mal.
  • Magnifier vos cicatrices : Les cicatrices racontent une histoire et elles nous apprennent toutes quelque chose. Pour reconstruire sa vie avec des blessures émotionnelles, il ne faut pas qu’elles disparaissent, bien au contraire : il faut mettre de l’or dessus, pour qu’elles deviennent de véritables bijoux qui orneront votre moi-profond.